La mise en place de l’Open travail crée un cadre managérial radicalement nouveau. Comment faire en sorte qu’il garantisse la performance de l’entreprise ?
Se libérant de l’enfermement dans un lieu dans lequel il se situait, le travail sort du même coup non pas tant de sa zone de confort que de son périmètre de contrôle habituel. Or, comme le note Thomas Coutrot dans Libérer le travail1, les évolutions récentes du monde du travail ont renforcé à la fois l’autonomie et le contrôle du salarié dans une forme de « néo-taylorisme » caractéristique du système français, sur la base de l’adage bien connu selon lequel « la confiance n’exclut pas le contrôle ».
La nécessité d’un profond changement de culture
Une évolution typique de ce que l’on appelle les « injonctions paradoxales » qui demandent aux salariés de faire une chose et son contraire, et qui sont à l’origine pour une bonne part des phénomènes de souffrance au travail. A l’usage, les enquêtes sur le travail montrent en effet qu’une telle injonction paradoxale peut se révéler plus destructrice que productive : c’est ainsi que 50 % des salariés associent travail et mal-être. En appeler à l’autonomie des salariés sur la base de la confiance si l’entreprise ne s’engage pas dans un profond changement de culture, représente une perte de temps, d’énergie et d’argent. En somme, un mauvais calcul qui, à vouloir se payer de mots, finit par se payer de maux.
Les six piliers de la confiance
Pour autant, la confiance ne va pas sans exigence. Au rebours de cette évolution, l’Open travail repose sur l’invention d’un nouveau lien entre confiance et performance. A quelles conditions ce cadre peut-il fonctionner ? Hervé Serieyx dans La confiance en pratique 2 a montré l’importance de fondations solides pour un système reposant sur la confiance.
Un tel système de management s’appuie sur six facteurs clés assimilés aux six mâts d’un voilier : la lisibilité de la stratégie de l’entreprise, c’est-à-dire la clarté d’une parole stratégique partagée ; sa capacité à assurer sa pérennité en gérant efficacement les crises et en développant l’employabilité de ses collaborateurs ; et la sûreté des règles du jeu en s’assurant que les valeurs définies sont respectées, tout en encourageant le dialogue et l’initiative.
Ces trois premiers « mâts » de la confiance sont fondamentaux : ils assurent des fondations solides. Dès lors, la confiance peut se déployer dans trois directions complémentaires : la fierté d’appartenance, notamment avec le sentiment de compter et le lien au projet de l’entreprise ; la valorisation personnelle des individus fondée sur un juste équilibre entre contribution et rétribution et le développement des salariés ; mais aussi le dépassement collectif, notamment à travers l’envie de s’investir en équipe dans une aventure commune.
Un contrat d’autonomie et de responsabilité
Bien sûr, tout cela se mesure et il n’existe pas de situation parfaite à cet égard. Mais cette approche fournit une grille de lecture et une boîte à outils permettant à l’entreprise engagée dans l’Open travail de progresser. Sur cette base, le manager peut faire évoluer sa fonction, plus vers l’animation collective et de coaching individuel que vers le contrôle.
Cette approche montre que la performance repose d’abord sur la confiance plus que sur le contrôle. Mais cette confiance, comme dans toute relation, s’inscrit dans un contrat d’autonomie et de responsabilité exigeant. Si ces conditions sont réunies, l’aventure collective peut mener loin. On pourra alors se souvenir que, dans sa deuxième acception, le mot confiance signifie hardiesse.
Signé : Olivier Beaunay
1 Libérer le travail, pourquoi la gauche s’en moque et pourquoi ça doit changer, éditions du Seuil, 2018
2 La confiance en pratique, comment fait-on ?, éditions Maxima, 2010
Olivier Beaunay
Après une carrière comme directeur de la communication dans l’industrie puis directeur général dans le secteur public, il se consacre à l’enseignement-recherche et au conseil en prospective, innovation et management (ESCP, HEC, Sciences Po). Il a participé à plusieurs missions d’intérêt général (Commission Attali, Institut Montaigne, Grand débat, Loi Pacte).
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