Pourquoi n’avons-nous pas parlé de « réunions en ligne » ? Pourquoi, pour désigner ces visioconférences qui organisent notre vie professionnelle, ne nous servons-nous pas d’un vocabulaire purement technique ? In & off. Non, nous préférons, et il faut le remarquer, parler en termes affectifs. Quand nos collègues, nos clients ne sont pas là en chair et en os, quelque chose nous manque, une distance est créée. Nous le ressentons et voulons le signifier.
Nous nous sentons privés de leurs regards, leurs gestes, leurs mimiques… Tout ce langage informel, souvent fugace – le temps d’une réunion, ou d’un « point » ou d’un café -, qui nourrit un face to face meeting, comme le dit si bien l’anglais. C’est par le visage de l’autre, que nous nous situons avant tout. Les animaux n’ont que des museaux ou des gueules, seul l’être humain a un visage. Par lui se crée la vraie présence, celle qui va au-delà du simple « acte de présence ». Les grands mystiques l’ont dit : Dans ma solitude, Dieu a tourné sa face vers moi, j’ai senti une présence à mes côtés.
Les mots ont de la mémoire, et notre vocabulaire actuel dit quelque chose de cette connotation religieuse. Avec « Distantiel » le plus souvent écrit « Distanciel », le français ne traduit pas exactement le « distancing meeting » de la Sillicon Valley.
Il réintroduit un petit bout de ciel et incarne à sa façon le concept d’Open travail. Par l’ouverture des esprits à une autre modalité de collaboration, les corps, éloignés les uns des autres, s’ouvrent à une autre présence : un peu surnaturelle, presque sacrée.
Signé : Mariette Darrigrand
Mariette Darrigrand
Mariette Darrigrand est sémiologue et dirige le cabinet Des Faits et Signes, spécialisé dans l’analyse du discours médiatique. Blogueuse et chroniqueuse (France Culture, Le secret des sources), elle intervient régulièrement dans les médias. Elle est chargée de cours à Paris 13 (sémiologie du livre).
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